Jamais je n’aurais pensé qu’un pays puisse me happer l’âme avec une telle douceur. C’était il y a trois ans, un mai capricieux, quand j’ai posé pour la première fois le pied sur ce rectangle de terre accroché à l’extrémité de l’Europe. Je venais simplement fuir la grisaille parisienne, guidé par les promotions d’une compagnie aérienne low-cost et l’invitation d’un ami expatrié à Lisbonne. J’ignorais alors que ce voyage allait devenir le premier chapitre d’une longue histoire d’amour.
Ce voyage au Portugal, où chaque ville a révélé une facette unique de son âme, n’est qu’un exemple des escapades européennes enrichissantes qu’il est possible de vivre le temps d’un week-end. Pour d’autres idées de city break en Europe, découvrez cinq destinations fascinantes allant de Lisbonne à Prague.
Lisbonne, la séductrice lumineuse
Le taxi filait depuis l’aéroport. Première rencontre avec la ville : un enchevêtrement improbable de ruelles escarpées, d’immeubles aux façades colorées, certaines pompeusement restaurées, d’autres s’effritant dans une splendeur déchue. « C’est ici », me dit mon ami en pointant une petite rue pavée de l’Alfama. Nous montâmes les escaliers jusqu’à son appartement, et là, le coup de foudre : depuis sa terrasse minuscule, le Tage s’étalait, immense, doré par un soleil qui semblait n’avoir été créé que pour magnifier cette ville.
Les Lisboètes appellent leur lumière « a luz de Lisboa ». Ils ont raison. Elle n’appartient qu’à eux. Elle rebondit sur l’eau du fleuve, ricoche sur les azulejos, s’infiltre dans les ruelles les plus étroites pour donner à la ville cette aura ensorcelante. Je me souviens avoir passé cette première soirée à errer dans l’Alfama, ce quartier ancien miraculeusement épargné par le tremblement de terre de 1755. Dans une tasca minuscule, j’ai goûté mon premier bacalhau à brás, cette délicieuse préparation de morue effilochée aux pommes de terre et aux œufs. Un verre de vinho verde à la main, j’écoutais un fado improvisé par un vieil homme, sa voix éraillée portant toute la mélancolie du monde.
, l’authentique rebelle
Trois jours plus tard, je prenais le train pour Porto. Trois heures de voyage le long de paysages verdoyants, puis l’arrivée dans cette ville qui semble avoir été construite en défiant toutes les lois de la gravité. Si Lisbonne est élégante, Porto est brute, authentique, sans concession. Ses maisons s’accrochent aux flancs pentus qui bordent le Douro, fleuve puissant qui charrie l’âme du vin auquel la ville a donné son nom.
Je logeais dans une pension familiale du quartier de Ribeira. Ma chambre donnait sur le fleuve et le fameux pont Dom Luis I, chef-d’œuvre métallique conçu par un disciple d’Eiffel. La propriétaire, Dona Conceição, septuagénaire bavarde aux joues roses, m’a accueilli comme un fils. Chaque matin, elle me préparait un petit-déjeuner gargantuesque : pain maison, charcuteries, fromages, confiture de figues et bien sûr, pastéis de nata, ces tartelettes à la crème pâtissière caramélisée qui justifieraient à elles seules un voyage au Portugal.
C’est à Porto que j’ai compris que le Portugal n’était pas qu’une destination touristique, mais un état d’esprit. Dans les caves de Vila Nova de Gaia, j’ai découvert les secrets du porto lors d’une dégustation qui s’est prolongée tard dans la nuit. Avec des étudiants rencontrés sur place, nous avons écumé les bars de Rua Galeria de Paris, où la bière coule à flots pour quelques euros et où les discussions enflammées sur la politique, le football ou la poésie se poursuivent jusqu’à l’aube.
, entre falaises et secrets
Mon voyage devait s’achever ici, mais le Portugal ne me lâchait plus. Sur un coup de tête, j’ai loué une voiture et mis le cap vers le sud, vers cette région dont on m’avait tant parlé : l’Algarve. Cinq heures de route à travers l’Alentejo, ces plaines dorées où paissent des troupeaux sous la garde vigilante de chênes-lièges centenaires.
L’arrivée en Algarve fut une nouvelle révélation. Cette côte déchiquetée où l’océan Atlantique se fracasse contre des falaises ocre est d’une beauté à couper le souffle. J’avais délibérément évité les stations balnéaires bondées comme Albufeira ou Vilamoura. Je cherchais l’âme véritable de cette région. Je l’ai trouvée dans un petit village de pêcheurs, Salema, où le temps semblait s’être arrêté.
L’auberge était tenue par un ancien pêcheur reconverti, Antonio, qui m’adopta instantanément. « Les touristes viennent pour la plage, mais ils ne voient rien », me dit-il un jour en m’emmenant sur son petit bateau. Nous avons longé la côte, découvrant des criques inaccessibles par la terre, habitées uniquement par des colonies de goélands. Dans l’une d’elles, il m’a montré des fossiles de dinosaures imprimés dans la roche. « Voilà, c’est ça le vrai Portugal », souriait-il fièrement. « On est petit sur la carte, mais on cache des trésors. »
Le soir, nous dînions de poisson grillé pêché le jour même, accompagné d’une salade d’algues et arrosé d’un vin blanc sec de la région. Les conversations avec Antonio et les villageois m’ont ouvert les yeux sur un Portugal rarement mentionné dans les guides : un pays de résistants, qui a survécu à une dictature, à la pauvreté, à l’émigration massive, sans jamais perdre sa dignité ni son sens de l’hospitalité.
Le Portugal intérieur, l’âme profonde
Ce qui devait être une semaine de vacances s’est transformé en trois semaines d’immersion. Je ne pouvais me résoudre à partir. J’ai annulé mon retour et loué une voiture pour explorer l’intérieur du pays, ces régions que les touristes délaissent au profit des côtes.
Dans la Serra da Estrela, j’ai découvert des villages de pierre nichés dans les montagnes, où les bergers fabriquent encore un fromage incomparable. À Monsanto, j’ai dormi dans une maison construite entre d’énormes rochers granitiques. À Évora, j’ai médité dans la chapelle des os, où des milliers de squelettes humains composent une décoration macabre mais fascinante.
Chaque rencontre confirmait mon impression : les Portugais possèdent cette saudade, cette douce mélancolie qui n’est ni tristesse ni résignation, mais une forme de sagesse face à la vie. Ils savent que les choses passent, que les empires s’écroulent (le leur fut immense), mais que l’essentiel demeure : prendre le temps de vivre, d’aimer, de partager.
Je suis rentré chez moi transformé par ces trois semaines. Le Portugal m’avait offert bien plus qu’un dépaysement passager – une leçon de vie. Dans notre monde hyperconnecté où tout va toujours plus vite, ce petit pays m’a rappelé l’importance de la lenteur, de l’authenticité, des rencontres véritables.
J’y suis retourné chaque année depuis. Non plus en touriste, mais en ami qui retrouve une partie de lui-même. Car c’est peut-être cela, le véritable voyage : non pas découvrir un pays étranger, mais cette part de nous que nous ignorions et qui ne demandait qu’à être révélée.
https://www.portugalfrance.com/